Le plaidoyer n’est pas à nos yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen de toucher et de mobiliser le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Le plaidoyer, permet à des personnes de participer à des processus décisionnels qui influencent leur vie. Il oblige donc le plaideur à ne pas s’isoler ; il le soumet au contact permanent avec les siens. Et celui qui, souvent, a choisi son destin de plaideur ou d’acteur de développement parce qu’il se sentait différent, apprend bien vite qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa ressemblance avec tous ses semblables. Une organisation à base communautaire comme la nôtre se forge dans cet allée et retour permanent de lui aux autres, à mi-chemin du rêve dont il ne peut se passer et de la réalité des communautés à laquelle il ne peut s’arracher. C’est pourquoi les vraies associations de plaidoyer ne méprisent rien ; elles s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et, si elles ont un parti à prendre, ce ne peut être que celui d’une société où, ne régnera plus l’injustice et toutes les causes de sous-développement qui déshumanise l’homme.
Le rôle d’une organisation comme le nôtre, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, elle ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font l’histoire : Positive-Generation est au service de ceux qui la subissent et aucun de nous n’est assez grand pour une pareille vocation. Mais, dans toutes les circonstances de sa vie, obscure ou provisoirement célèbre, jetée dans les fers des difficiles conditions de vie des communautés qu’elle accompagne, une organisation peut retrouver le sentiment d’une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu’il accepte, autant qu’il peut, les deux charges qui font la grandeur de son action: le service de la vérité et celui de la liberté. Puisque sa vocation est de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des communautés qu’elle sert, elle ne peut s’accommoder du mensonge et de la servitude qui, là où ils règnent, font proliférer les injustices. Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de nos interventions s’enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir ou de voiler la face sur ce que l’on sait ou voit et la résistance à l’oppression.
Mesdames et Messieurs,
Au vu de ce contexte interpellatif, ce serait dommage, pour le plaideur que nous sommes, de ne pas saisir une telle opportunité, pour lancer un vibrant appel à nos décideurs pour plus d’investissement, plus d’engagement politique et financier à cette cause qu’est la santé des populations notamment en contexte de Vih/Sida. Des efforts immenses ont été faits ces dernières années, mais beaucoup de choses restent à parfaire et à améliorer et il faut dans ce cas aller de l’avant car le challenge lui va de l’avant.
Honorables invités,
Pour ne pas se voiler la face, la problématique de l’accès permanent au traitement demeure un rêve pour nos populations en Afrique. Plus qu’une simple question de thérapie, c’est un véritable sujet de droit de l’homme. C’est un problème de justice sociale, de civilité et surtout de démocratie. En effet, il serait difficile, pour un État qui aura démissionné de ses obligations de protection de ses populations atteintes par différents fléaux/maux sociaux de s’arroger fièrement le qualificatif démocratique. De même, un Etat, qui n’aura pas fait preuve d’humanisme, de solidarité et qui aura laissé mourir des milliers de ses citoyens prétendra difficilement au nom de nation civilisée. En définitif, le degré de respect du droit à la vie des personnes affectées, se présente désormais comme un baromètre notable d’atteinte des objectifs de développement d’un Etat, mais surtout, un véritable indicateur du degré d’humanisme, de solidarité, de civilité et de démocratie d’une nation.
Chers invités,
Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Vous êtes sans l’ignorer, cette activité arrive dans un moment particulier dans l’effort mondial de lutte contre la pandémie du VIH. Dans un contexte marqué par la difficulté de mobilisation des ressources financières où la crise financière est servie comme prétexte de nos jours pour justifier l’hypothèque de la vie des millions de malades dans le monde et en Afrique en particulier. Face à cette situation nous appelons les dirigeants africains d’aujourd’hui à avoir le courage et la volonté politique des pères des indépendances africaines pour dire non à tous cette dépendance criarde.
Discours de FOGUE FOGUITO,
Directeur Exécutif Positive-Generation
A L’occasion de la cérémonie de remise du PRIX ONE POUR L’AFRIQUE Dar es Salam,
5 décembre 2012